Je perçois l'effroi de ma troupe lorsque nous tombons sur les premières marques de la prédatrice. Je leur fais signe de s'arrêter afin de constater moi-même les dégâts. Les empruntes sont énormes, et les cicatrices laissées sur les arbres impressionnantes. Je contourne prudemment les traces pour les observer dans leur ensemble. À première vue, le spécimen semble se déplacer sur ses pattes et ailes, à l'image d'une vouivre tranchegriffe. Cependant, je vois bien au gigantisme des empruntes que cette créature est bien trop grosse pour en être une. Je ne m'attendais pas à une telle éventualité, mais il semblerait que la garde griffon ai sous-estimé la taille de notre cible.
De ces observations, je pense qu'une telle créature serait sans doute capable de décimer ma troupe. Bien qu'ayant connaissance de ce fait, il est hors-de-question d'abandonner notre opération de reconnaissance. Nous prenons des risques mais il devient d'autant plus urgent de débarrasser la forêt de givre d'une telle menace. Nous devons juste redoubler de prudence, et ne pas jouer aux héros. À partir du moment où nous entrons dans le territoire de la prédatrice, nous devenons ses proies.
« Ô Botte du Silence !
Nous honorons ta présence,
Clamons ta patience,
Nous venons sans violence ! »
Le son des cloches résonne dans la forêt. Je tourne la tête en direction de la source du chant et fronce les sourcils. J'entends plusieurs voix, au beau milieu du territoire de la bête. Nous ne sommes pas seuls et cette idée me surprend au plus au point. Ma troupe mise-à-part, qui aurait donc l'idée folle de s'aventurer au-devant du danger ? Ce n'est pas normal.
« Resserrez les rangs. Et surtout, pas d'imprudences. »
Nous avançons en silence vers la source du tapage et nous cachons derrière des taillis épais pour les observer. Que font-ils donc ? Un rituel ? Un sacrifice ? Leurs chants n'ont pas grand sens mais j'ai l'impression qu'ils s'adressent à la créature, comme s'ils essayaient de l'attirer. Cette vouivre enchainée serait donc sans doute leur offrande.
En tant normal, sans doute me aurais-je déjà lancé l'assaut pour libérer la prisonnière, mais si la créature arrive et nous prend par surprise, nous ne ferions pas long feu. L'innocente mourra peut-être sous les griffes de la bête, mais l'enjeu est bien trop grand pour que nous puissions nous permettre compromettre l'opération.
« Restez en position. Ordonné-je. »
Je sors mon épée, prêt à lancer l'assaut lorsque la bête surgira. Nous avons une chance unique de la prendre par surprise.